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Exposition Spirit of the Cities
15 novembre 2008

Avantika Poddar Somesh Kumar Bientôt une semaine

portrait1

Avantika Poddar

portrait2

Somesh Kumar

Bientôt une semaine que je suis à Bangalore.

L’arrivée à Bangalore depuis les rizières du Tamil Nadou un dimanche soir à 20 heures est à la fois effrayante et fascinante.

Il est en train de se tisser autour de Bangalore un réseau de ponts, d’autoroutes à 4 ou 6 voies en toile d’araignées. Aujourd’hui une seule voie fonctionne et le reste est en travaux.

Cela donne l’impression que la terre s’est ouverte, il y a des machines partout, d’énormes crevasses, des ponts inachevés en béton avec des villages en feuilles de palmier tissées qui se sont construits dessous.

Les journées à Bangalore sont simples. Je travaille de 9 h 30 à 17 heures tous les jours, à l’Ecole d’Art et de Design Srishti. C’est une école luxueuse, moderne, avec une architecture de cubes jaunes et blancs. Parmi mes etudiants il y a des personnes qui viennent de partout, dont une finlandaise.

Les étudiantes indiennes, pour s’habiller, vont avec aisance du sari au treillis avec pataugas, châles de soies de Bénarès etc. J’aime ce mélange que gardent les jeunes même les plus branchés de l’Inde.

Pour les garçons ca va de la chemise hawaïenne à la kurta brodée de perles. Du coup, hier je suis venu en costume !

Le port du sari en Inde, est une chose que je regarde toujours avec le même intérêt. Je pense que c’est le seul vêtement venu de l’antiquité (c’est une sorte de toge romaine) qui se retrouve  porté par des millions de femmes contemporaines. Lorsque je vois une femme vetue de cet immense tissus savamment enroulé prendre le volant de sa voiture, j’ai l’impression de regarder Cléopâtre se mettre aux manettes d’un vaisseau spatial.

Ce qui m’intéresse à Bangalore, avec ce travail à l’Ecole des Beaux-Arts, c’est que j’expérimente la vie d’un prof d’art à peu près normal.

Je suis logé dans un grand appartement de fonction du centre ville.

Par contre, ce qui me surprend toujours après 10 ans de frequentation de l’Inde, c’est le partage du travail. L’Ecole me paye pour enseigner les rapports de la peinture et de la photographie aux étudiants en regard avec mon propre travail. Du coup ils ont tout pris en charge à côté pour que je ne fasse que ça.

J’adore cela et je travaille deux fois plus, car je ne pense à rien d’autre, même si cela peut être parfois loufoque. Si je m’en étonnais ouvertement ils ne comprendraient pas. Alors je fais ce qu’on attend de moi, avec plaisir.

C’est à dire que le matin un monsieur en costume, vient me préparer mon petit déjeuner, faire couler mon bain, recharger mon téléphone. Ensuite une femme vient faire le ménage et laver le linge. Un autre homme s’occupe du repassage.

Puis, Pala l’incroyable chauffeur qui ressemble à Charlie Chaplin, pour le physique et la vivacité d’esprit, m’accompagne partout, ferme la porte à clé, vérifie si j’ai pris tous mes dossiers…

Tous les soirs, après le travail il me conduit en centre ville pour goûter dans une pâtisserie où je mange deux Gulab Jamul (sorte de baba au rhum qui baignent dans le miel) et un lassi. Ensuite je passe parfois dans les temples car c’est l’heure des pujas, et que j’aime regarder les Dieux enveloppés dans les fumées d’encens et les masses de fleurs au fond des grottes de pierre à la nuit tombée.

L’autre jour Pala m’a fait rire, car je l’ai entendu répondre de loin à quelqu’un qui lui demandait d’où je venais, que j’étais français mais hindou !

Je lui ai demandé pourquoi il avait dit ça ? Il a trouvé bizarre que ca m’étonne...

Dans la voiture pour passer le temps dans les embouteillages, je lui demande de me raconter la généalogie des quelques centaines de Dieux et Déesses. J’adore voir avec quelle passion il me parle de ca en faisant les gestes de Krishna jouant de la flûte, de Parvati qui dodeline etc.

Shiva est le père de Ganesh, Parvati est la femme de Shiva etc., Shiva a seulement deux fils Ganesh et... qui… Ensuite il me dit : tu t’en souviendras pour expliquer à tes parents, tes frères et tes amis ?

Après le goûter il va m’acheter à dîner et m’installe sur une chaise pendant qu’il fait les commandes, paye la caisse etc. Je lui ai demandé si je ne pouvais pas aller à l’appartement pendant qu’il commandait les dîners, car je ne faisais rien. Il s’est offusqué et j’ai senti que ce n’était pas une bonne idée.

Il me raconte sa vie, depuis son village très pauvre jusqu’à Bangalore, et il décrit sa vie actuelle en disant je suis si heureux d’être si heureux maintenant !

Puis, pour illustrer cette jolie phrase il fait une liste de tout ce qui le rend heureux, et c’est une sorte de long poême à la Sei Shonagon (la poétesse japonaise qui faisait des listes).

Je trouve cela extraordinaire, la capacité des indiens à être heureux, c’est bien la limite des occidentaux qui se trompent souvent lorsqu’ils se projettent à la place des indiens et s’imaginent malheureux. Ce qui m’intéresse de mon côté, c’est de comprendre ce qui est important pour lui et ne le serait pas pour un égyptien ou un chinois. Comment il a construit sa vie pour dire cette jolie phrase. Et puis je pense toujours que l’hindouisme est une religion qui malgré un certain nombre de défauts offre à l’homme un degré de civilisation, de souplesse et une vision du monde très favorables au bien-être et à la réalisation mentale et physique.

Ce matin je vais retrouver mes étudiants, et regarder les tirages. Ce qui m’a intéressé dans ce workshop, outres le plaisir d’enseigner en Inde qui est devenu assez familier, c’est que cette fois j’ai essayé de les faire travailler sur la peinture indienne, les peintures de Tanjore avec métal et pierres incrustées, les miniatures Moghols, les peintures tibétaines etc.

Tous les matins lorsque la voiture se met en route j’éprouve le même plaisir, car la route en Inde, par la multitude de détails qui se succèdent diffuse doucement de la bonne humeur. Les familles de 4 enfants qui portent tous des lunettes noires accrochés à leur père sur une même moto, les hommes qui tressent des guirlandes de fleurs au milieu des embouteillages, les jeunes femmes au volant de leur Maruti, les jeunes ingénieurs sur leur moto qui balancent la tête pour me dire bonjour, les prêtres torses nus, en longhi avec le trident de Shiva peint sur le front, assis en amazone derrière un informaticien en moto… les singes qui dorment sur les toits des bus, le tableau de bord du bus de ville avec 7 geraniums allignes, et de l’encens qui fume... tout est à la fois comique et réjouissant comme dans un film de Fellini.

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Commentaires
T
Avantika est tout droit sortie d'une fresque d'Inde du Nord.<br /> On entend presque les cloches aux pieds!
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