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Exposition Spirit of the Cities
28 novembre 2008

. . . . . Mr M.N. Sharma, sa femme (portrait

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Mr M.N. Sharma, sa femme (portrait peint), sa maison, Yojna...

Tout le monde est triste en Inde aujourd’hui, les rues sont exceptionnellement vides et on ne parle que des événements de Bombay.

L’hôtel du Taj face à Gateway of India, est le lieu le plus symbolique de l’Inde peut-être après le Taj Mahal.

Tout le monde dit la même chose, sur le mode de la colère ou de la tristesse… qu’ils ont  peur que cela brise l’harmonie entre les communautés, la diversite des identites qui est l’identite de l’Inde, qu’ils ne comprennent pas pourquoi l’Inde a été la cible.

La TV montre en boucle l’hôtel qui brûle, les militaires… c’est sinistre. J'ai appris la nouvelle a minuit, en temps réel en rentrant de l'aéroport d'ou Benoit partait pour Paris.

J’ai souvent déjeuné dans ces lieux avec Parimala ou seul lorsque j’étais à Bombay, c’était des endroits magnifiques dont le calme et la douceur fera désormais partie des souvenirs.

Je suis à Delhi depuis hier midi.

A 6 heures du matin j’ai pris le train à Chandigarh. Le train a traversé la plaine du Penjab et j’ai dévoré des yeux le paysage matinal, dans le brouillard et les premiers rayons de soleil avec ces silhouettes drapées dans des couvertures jaune, oranges, roses, avec des turbans verts et rouges sur des bicyclettes ou sur les quais de gares… les petits enfants emmitouflés, les valises… c’était tout simplement un film antique en technicolor.

L’arrivée dans Delhi, est frappante. On traverse des quartiers désolés… puis on arrive dans l’effervescence du centre avec les taxis, les temples qui fument, les gens qui font leur toilette sur les toits…

Mon séjour à Chandigarh a été court. Deux jours et demi. Cette ville de Le Corbusier au pied de l’Himalaya est bizarre. Ces mêmes silhouettes antiques, ces turbans sur fond de façades modernistes sont un régal pour les yeux.

Je l’ai vue différente que le souvenir que j’en avais gardé.

Je ne me souvenais pas d’autant d’espaces vides entre les secteurs.

J’y ai photographié, Shiv Singh, un artiste contemporain âgé, vêtu de noir du turban jusqu’au chaussures, une metteur en scène, le directeur de la fondation Le Corbusier, un sikh français avec sa femme, un artiste photographe, deux étudiants en art, un jeune joueur de Tabla et mon meilleur souvenir de mon passage à Chandigarh cette année : M. N. Sharma.

Il était le bras droit de Le Corbusier lors de la construction de Chandigarh. Il a construit la maison d’Indira Gandhi, a travaillé pour Nehru, a connu Louis Khan et tous les grands architectes du XX eme siècle. C’est un homme d’une intelligence exceptionnelle. Ses yeux voient tout.

Déjà très âgé en 2002 il avait inauguré mon exposition. Le lendemain il m’avait invité à boire un thé chez lui. Cette année j’ai demandé timidement s’il était toujours en vie.

On m’a dit que sa femme était décédée mais que lui était toujours vivant.

Je lui ai téléphoné et il m’a dit venez demain à midi précise. Je comprends que quand on est presque centenaire on ait plus trop envie d’attendre.

Il m’a reçu dans un superbe costume crème, très droit dans sa villa qui est l’une des plus belles maisons que je connaisse. Une maison d’architecte, tout y est pensé, chaque angle de mur, de fenêtre, chaque couleur… les murs sont couverts de peintures et de céramiques de Le Corbusier.

Au début la conversation était formelle, puis il s’est rappelé que j’étais l’artiste qui avait réalisé Fûdo, et il m’a stupéfait en me décrivant de mémoire et avec enthousiasme les différents paysages de Fûdo. Tout était dans sa mémoire… puis nous avons commencé à discuter avec de plus en plus de chaleur, en parlant des amis artistes qu’il connaissait et que j’avais photographié à Calcutta.

Yojna, une amie commune nous a rejoint et peu à peu ce monsieur grave et sérieux ravi de voir que mon intérêt pour son esprit était réel et que je ne venais pas le voir comme un monument de Chandigarh est devenu de plus en plus joyeux, il m’a aidé à photographier sa maison dans tous les sens, ressortait les maquettes de tiroirs, les dessins de Le Corbusier, tirait les meubles… me montrait le portrait peint de sa femme qui était « la plus belle femme de Lahore »… ses photos avec Nehru, I. Gandhi, Sonia Gandhi etc.

A la fin il chantait tant il était joyeux de partager tout ça et moi j’étais ravi.

C’était magique de transporter dans le jardin des peintures de Le Corbusier pour les photographier à la lumière naturelle avec ses commentaires sur chacune des pièces !

Tout un monde, celui des années 50, du modernisme, de la recherche de la forme, de l’utopie des villes réussies… radieuses.

Un monde d’une incroyable modernité et d’une pureté oubliée.

Chaque fois que je photographie de vieux artistes, je médite sur ma condition. Et c’est un des moments où je suis à la fois heureux et mélancolique d’avoir fait ce choix. C’est difficile à définir.

Ces vieux artistes entourés de leurs œuvres sont à la fois vulnérables, légers, fatigués et d’une extrême fragilité. Ils ont bâtie leur œuvre face au néant qui nous entoure tous, et cet affrontement au néant les a rendus presque immatériels. Mais ils ont tellement lutté pour construire morceaux après morceaux une harmonie à peu près aussi solide qu’un château de cartes, qu’ils redoutent plus que tout quelque chose que je pourrais nommer la vulgarité…

La simplification, la brutalité du monde comme dit Putman. Car les œuvres d’art n’offrent aucune résistance à la vulgarité de l’esprit et la brutalité des Hommes.

Nous avons ensuite déjeuné ensemble dans sa salle à manger, puis j’ai visité le Parlement au soleil couchant, accompagné de soldats armés, d’une grande gentillesse. Cela m’a rappelé la visite du Parlement à Dhaka au mois de mars.

J’ai du passer dans 5 bureaux pour faire tamponner des autorisations puis les autorisations des autorisations, avec des piles de paperasses, et des sikhs enturbannés dans ce décor de perspectives et de vitraux colorés. Ca aussi c’était un régal pour les yeux.

Depuis que je suis à Delhi je travaille sans cesse. Je suis très bien accompagné par un chauffeur, une assistante très efficace et la directrice de l’AF…  je vais de séances de photos en séances de photos.

A midi je déjeunais avec une Top model, en col roulé noir avec qui nous avons vidé une bouteille de vin en parlant des attentats.

Son intelligence et sa gentillesse la rendait beaucoup plus belle que son image. Je l’ai photographiée au antipodes des séances de mode, triste et ramassée sur elle-même. Elle a pris cela comme un hommage à son intelligence. Elle avait raison.

Ensuite sur la pelouse d’un Palace, j’ai photographié le Jacques Séguela indien… et je continue demain avec des écrivains, un défenseur des droits gays, un immense musicien classique, un historien et une critique de cinéma…

…………….

Ce matin

Je viens de passer une matinée extraordinaire chez le plus grand maitre de la musique classique indienne Ustad Amjad Ali Khan ! L’un des rendez-vous les plus mémorables de ma vie d’artiste, je crois. J’essayerai de prendre un peu de temps pour raconter.

Tout le monde ne parle que de THE WAR, et les jours passant l’Inde est de plus en plus traumatisee.

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